
Abidjan, le mardi 03 juin 2025 (ivoire.ci)-À trois jours de la Tabaski, l’effervescence gagne la région du Sud-Comoé. Sur l’ancienne route de Grand-Bassam, dans le paisible village de Modeste, un nouveau marché à bétail attire tous les regards. Un vaste parc d’un hectare et demi, entièrement dédié aux petits ruminants, s’y est installé, devenant en quelques jours un maillon essentiel de l’approvisionnement en moutons et cabris pour des milliers de fidèles musulmans, selon AIP.
Un parc structuré et fonctionnel
Fraîchement aménagé, le site abrite 179 enclos bien délimités. Quelque 100 enclos sont attribués aux détaillants, 50 pour les grossistes venus du nord du pays et des pays voisins, et 29 consacrés à l’isolement sanitaire des animaux suspectés de maladie.
Aucun abattage n’y est pratiqué. L’activité est exclusivement tournée vers la vente d’animaux vivants. Dans une ambiance rythmée et conviviale, commerçants, clients et simples visiteurs se côtoient dans un ballet quotidien.
« Nous avons relevé un défi de taille : offrir aux populations du Sud-Comoé un accès direct et local au bétail, dans une région jusque-là dépourvue d’un marché structuré », se félicite le président de l’Union régionale des sociétés coopératives des marchands de bétail d’Abidjan (URSCMABA), Mory Coulibaly.
Plus qu’un simple espace de vente, le marché vise un double objectif, à savoir rapprocher l’offre des zones de consommation d’Abidjan-Sud et du Sud-Comoé, tout en garantissant aux opérateurs un environnement de travail conforme aux normes sanitaires et sécuritaires.
« C’est également un levier de désengorgement d’Abidjan. Nous déconcentrons les flux pour mieux desservir les zones périphériques », ajoute M. Coulibaly.
Le vice-président de l’URSCMABA Toé Seydou.
Une offre abondante, une demande déjà forte
Initialement, les projections faisaient état de 30 000 têtes. Mais à la date du 2 juin, ce sont plus de 40 000 animaux qui occupent déjà le site, avec plusieurs camions encore attendus.
« Nos équipes ont sillonné les zones d’élevage du pays et des pays voisins pour mobiliser ce cheptel. Ce chiffre prouve la pertinence du projet et l’engagement de nos partenaires », se réjouit le vice-président de l’Union, Toé Seydou.
Face aux tensions habituelles sur les prix à l’approche de la fête, le gouvernement a anticipé. Des mesures de régulation ont été instaurées, notamment la réduction des frais de transit aux postes frontaliers. À Noé, ces frais sont passés de 170 000 FCFA à 120 000 FCFA, avec une baisse supplémentaire envisagée à 110 000 FCFA.
« Il s’agit de préserver le pouvoir d’achat des ménages et d’éviter toute surchauffe sociale en cette période sensible », explique M. Seydou.
Des prix pour tous, mais une tendance haussière
Sur le terrain, les prix varient entre 70 000 et 400 000 FCFA, selon la race et la corpulence des bêtes. « Chacun peut trouver une bête selon ses moyens », rassure Kané Arouna, commerçant sur place.
De nombreux acheteurs affluent de Koumassi, Marcory, Port-Bouët, Samo, Grand-Bassam, Bonoua ou encore Aboisso.
« C’est un vrai soulagement. Fini les longues distances jusqu’à Abidjan. J’ai pu acheter trois moutons ici, à deux pas de chez moi », confie Bamba Losseni, venu de Samo.
Mais certains restent plus réservés à l’image de Diarrassouba Karidja, une habituée des marchés de bétail, qui déplore une hausse des prix. « Un mouton à 100 000 FCFA l’an dernier coûte aujourd’hui entre 130 000 et 150 000 », regrette-t-elle.
Seydou Konaré, un autre commerçant, justifie cette hausse par les coûts logistiques. « Les convois prennent parfois plus d’une semaine. Il faut nourrir les bêtes, payer les chauffeurs, assurer leur sécurité. Tout cela impacte le prix final », explique-t-il.
Le président de l’URSCMABA, Mory Coulibaly.
Malgré tout, l’optimisme reste de mise. Pour Mory Coulibaly, l’abondance du bétail devrait entraîner une baisse des prix à l’approche de la fête. « Aucun commerçant ne souhaite repartir avec un seul animal invendu », assure-t-il.
Le site, capable d’accueillir jusqu’à 400 opérateurs, reste praticable en toutes saisons, grâce à un terrain stable et bien drainé. Toutes les autorisations administratives ont été obtenues et aucune tension n’a été signalée avec les riverains.
« C’est une réussite collective, fondée sur le dialogue et le respect des normes », concluent les organisateurs.
Vers une stratégie nationale
Au-delà du succès local, les responsables de l’URSCMABA plaident pour une politique nationale ambitieuse en matière d’élevage et de commercialisation du bétail.
« Il est temps de sortir de l’élevage de prestige pour entrer dans une logique de production durable », prône Mory Coulibaly.
Le marché de Modeste s’impose ainsi comme un modèle d’organisation et d’innovation, susceptible d’inspirer d’autres régions et de renforcer la position de la Côte d’Ivoire dans la filière viande en Afrique de l’Ouest.
Dans le cadre d’un partenariat avec la Chambre de commerce du Tchad, le ministre ivoirien des Ressources animales et halieutiques, Sidi Tiémoko Touré, a annoncé l’arrivée imminente d’un charter de 20 000 têtes de bétail. Sur ce total, 3 000 seront destinées au marché de Modeste.
La Tabaski ou Aïd-el-Kebir sera célébrée en Côte d’Ivoire le vendredi 6 juin 2025.